OAP Oedème pulmonaire cardiogénique et par surcharge

Définition

Œdème pulmonaire : accumulation anormale de liquides dans le secteur extravasculaire pulmonaire, c’est à dire dans l’interstitium et les alvéoles. L’œdème pulmonaire survient quand l’extravasation liquidienne depuis le secteur intravasculaire, dépasse les capacités de drainage lymphatique.

Œdème pulmonaire hydrostatique (OPH) : le transfert de liquides résulte d’une augmentation de la pression micro- vasculaire pulmonaire (Pmv), la membrane alvéolo-capillaire étant intacte. L’OPH recouvre les œdèmes pulmonaires cardiogénique et par surcharge.

Œdème pulmonaire lésionnel : le transfert de liquides est le fait d’une lésion de la membrane alvéolo-capillaire, la Pmv étant normale.

Critères diagnostiques

Le diagnostic est clinique, radiologique et biologique. La plupart des signes sont cependant communs à l’OPH et à l’œdème lésionnel. Certains traduisent plus spécifiquement le caractère hydrostatique.

Critères cliniques :

L’examen clinique est riche mais globalement peu performant pour porter le diagnostic d’OPH dans un contexte de dyspnée aiguë.

  • Dyspnée et polypnée, avec classiquement une orthopnée au cours de l’OPH ;
  • Toux et grésillement laryngé ;
  • Expectoration mousseuse saumonée voire hémoptoïque ;
  • Une hypertension artérielle est souvent observée ;
  • Parfois des signes d’ « insuffisance cardiaque droite » ;
  • A l’auscultation : râles sous-crépitants (bulleux) et parfois des sibilants.

Critères biologiques :

  • BNP et NT-proBNP : en l’absence d’insuffisance rénale, les valeurs hautes (BNP > 500 pg/ml et NT-proBNP > 2000 pg/ml) ont une bonne valeur prédictive positive d’OPH. Des valeurs basses (BNP < 100 pg/ml et NT-proBNP < 400 pg/ml)
    une bonne valeur prédictive négative d’OPH.
  • Gazométrie artérielle : elle objective initialement une hypoxémie, une hypocapnie et une alcalose respiratoire (effet shunt).
    Au stade d’épuisement respiratoire apparaissent une hypercapnie et une acidose respiratoire (OPH asphyxique).

Critères radiologiques :

la radiographie de thorax est un examen clé

  • Redistribution vasculaire vers les sommets ;
  • Lignes de Kerley (type B voire A) ;
  • Scissurite et émoussement des culs de sac pleuraux ;
  • Infiltrat alvéolo-interstitiel bilatéral et symétrique, surtout péri-hilaire en « aile de papillon » ;
  • On cherchera également une cardiomégalie (l’index cardio-thoracique pouvant être sur-évalué sur un cliché réalisé en position couchée)

Critères échographiques :

  • L’échographie pleuro-pulmonaire, par sa disponibilité au lit du patient, sa rapidité de réalisation et son interprétation en temps réel par le clinicien peut-être un examen de choix en contexte d’urgence.
  • Lignes B (ou « queues de comètes ») : images linéaires hyperéchogènes, multiples, verticales, naissant sur la ligne pleurale

Critères échocardiographiques et doppler :

à la recherche de pressions de remplissage du ventricule gauche élevées par analyse du profil mitral :

  • E/A < 1 (0,7 chez le sujet âgé) au doppler pulsé mitral suggère des pressions non élevées ;
  • E/A > 2 (1,5 chez le sujet âgé) au doppler pulsé mitral suggère des pressions élevées ;
  • E/e’ < 8 au doppler pulsé et tissulaire suggère des pressions non élevées ;
  • E/e’ > 15 au doppler pulsé et tissulaire suggère des pressions élevées ;
  • Un temps de décélération de l’onde E < 140 msec suggère des pressions élevées en cas d’altération de la fonction ventriculaire gauche, ce paramètre étant mesurable en cas d’arythmie.

Etiologies

1- Causes liées à une pathologie cardiaque :

Altération de la fonction systolique ventriculaire gauche :

  • Syndrome coronarien aigu;
  • Myocardite (infectieuse, toxique, immunologique, peripartum);
  • Valvulopathie (dégénérative, post-infarctus, post-endocardite) ;
  • Toute cardiopathie chronique décompensée par un facteur qu’il faut rechercher (accès hypertensif, ischémie myocardique, trouble du rythme ou de la conduction, anémie, infection, embolie pulmonaire, traitement corticoïde ou anti-inflammatoire non stéroïdien, traitement inotrope négatif, mauvaise compliance au traitement ou au régime).

Altération de la fonction diastolique ventriculaire gauche :

  • Poussée hypertensive Crise aiguë hypertensive;
  • Trouble du rythme Troubles du rythme cardiaque graves;
  • Ischémie myocardique ;
  • Cardiopathie chronique (hypertensive, cardiomyopathie hypertrophique ou congénitale) décompensée ;
  • Par un facteur qu’il faut rechercher (accès hypertensif, ischémie myocardique, trouble du rythme ou de la conduction, anémie, infection, embolie pulmonaire, traitement corticoïde ou anti-inflammatoire non stéroïdien, traitement inotrope négatif, mauvaise compliance au traitement ou au régime).

Rétrécissement mitral et myxome de l’oreillette gauche

2- Causes liées à une augmentation de la volémie :

  • Transfusions de produits sanguins (TACO : Transfusion-Associated Circulatory Overload) ;
  • Insuffisance rénale : syndrome cardio-rénal de type 3 (surcharge volémique lié à la diminution de la filtration glomérulaire) ;
  • Sevrage de la ventilation mécanique : notamment par négativation brutale des pressions intra-thoraciques avec augmentation du retour veineux;
  • Obstruction des voies aériennes : OPH à pression négative ou « a vacuo » ;
  • Oedème pulmonaire neurogénique: lié à une agression aiguë du système nerveux central, il est de physiologie complexe associant des mécanismes hydrostatiques et lésionnels ;
  • Oedème pulmonaire de haute altitude : souvent secondaire à une exposition non-acclimatée à une altitude > 3000 mètres.
    Il est de physiologie complexe associant des mécanismes hydrostatiques et lésionnels.

Traitement

1- Traitement symptomatique :

  • Oxygénothérapie :
    – Lunettes ou masque;
    – Objectif SpO2 > 92%
  • Diurétiques
    – En 1ère ligne si PAS > 110 mmHg ;
    – Furosémide (Lasilix®) en IVL :
    – 40 mg si pas de traitement antérieur ;
    – Posologie initiale équivalente à la posologie journalière per os antérieure du patient ;
    – Puis à posologie titrée en fonction de la réponse diurétique.
  • Vasodilatateurs
    – En association avec les diurétiques si PAS > 110 mmHg ;
    – Isosorbide dinitrate (Risordan®) vasodilatateur veineux et artériel (et notamment du réseau coronarien)
    – Bolus de 1 à 2 mg initialement si PAS > 160 mmHg ;
    – Relais IVSE de 1 à 10 mg/h pour obtenir une PAS autour de 110 mmHg ;
    – Effets secondaires : hypotension artérielle, céphalées, méthémoglobinémie aux fortes doses ;
    – A utiliser avec prudence si rétrécissement aortique ou mitral
  • Ventilation mécanique en pression positive
    – Recommandée en cas d’orthopnée, de polypnée > 25 cycles/min, de SpO2 < 90% malgré une oxygénothérapie. Elle parait dans tous les cas indispensable en cas d’acidose respiratoire ;
    – Ventilation non-invasive en 1ère intention (CPAP ou VS-AI) ;
    – Ventilation mécanique invasive si échec de la ventilation non invasive.
  • Catécholamines
    – Dans les rares cas où aux signes congestifs s’associent des signes témoignant d’un choc cardiogénique ;
    – La noradrénaline est maintenant préconisée en 1ère intention avec un objectif de PAM > 65 mmHg ;
    – Dobutamine en 2ème intention.
  • Epuration extra-rénale avec ultrafiltration
    – Proposée au cas par cas dans les rares situations d’OPH résistant au traitement médical ;
    – Syndrome cardio-rénal de type 1 (insuffisance rénale secondaire à une insuffisance cardiaque aiguë) ;
  • Gestion du traitement antérieur dans les 48 premières heures
    – La poursuite des bêta-bloquants, mais aussi des IEC et des ARA II(en surveillant la fonction rénale) est nécessaire.

2- Traitement étiologique :

essentiel et systématique.

  • Reperfusion coronaire ;
  • Ralentissement ou cardioversion d’un trouble du rythme ;
  • Chirurgie d’une valvulopathie.

Facteurs pronostiques / évolution

En l’absence de traitement l’évolution est le plus souvent défavorable avec coma hypercapnique puis hypoxie profonde conduisant à l’arrêt cardiaque. Pris en charge de manière spécifique, l’évolution favorable de l’œdème est habituellement la règle et le pronostic dépend plus volontiers de sa cause. Si globalement la mortalité hospitalière n’est que de 10% elle atteint 40% à un an.

Pièges à éviter

  • Éliminer la possibilité d’un OPH en présence de râles sibilants : asthme cardiaque chez le patient âgé notamment.
  • Retenir un diagnostic d’OPH sur le seul argument d’un taux de BNP ou de NT-proBNP élevé chez un patient insuffisant rénal.
  • Éliminer la possibilité d’un OPH du fait de la présence d’une fièvre : une réaction fébrile est possible en cas d’OPH isolé mais peut être en rapport avec un facteur déclenchant infectieux.
  • Éliminer la possibilité d’un OPH du fait de la présence d’images radiologiques unilatérales, principalement à droite, comme on peut en observer au cours de l’insuffisance mitrale.
  • Ne pas rechercher la présence d’une hypotension artérielle et de signes d’insuffisances circulatoires qui vont alors s’intégrer à un diagnostic de choc cardiogénique dont la prise en charge est différente.
  • Ne pas remettre en cause le diagnostic d’OPH en l’absence de réponse rapide au traitement devant faire évoquer un œdème pulmonaire lésionnel.
  • Arrêter, ou en tout cas ne pas réintroduire rapidement, les traitements de fond d’un patient insuffisant cardiaque.

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