L’infection nosocomiale en réanimation

L’infection nosocomiale en réanimation

Introduction

  • Un problème majeur de santé publique intéressant la réanimation.
  • Beaucoup de problèmes non encore résolus (diagnostiques et thérapeutiques)
  • Morbidité et mortalité +++  ????

Définition

  • C’est une infection bactérienne, virale ou parasitaire acquise en réanimation*.
  • Qui n‘était ni présente ni en cours d’incubation à l’admission du patient.
  • Si l’état du patient à l’admission n’est pas connu, un délai d’au moins 48 heures est retenu pour séparer une infection  d’acquisition communautaire , d’une infection nosocomiale.
  • 30 jours pour l’infection de la plais opératoire.
  • Une année pour l’infection d’une prothèse ou d’un implant.

Épidémiologie

Incidence :

  • Les infections nosocomiales demeurent fréquentes chez les malades hospitalisés en réanimation
  •  12 à 14%* des patients de réanimation

L’incidence de l’infection nosocomiale est de 35,04%

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Fréquence globale des infections nosocomiales en réanimation

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 L’incidence réelle difficile à préciser en raison des disparités principalement liées au type de patients admis dans chaque unité et aux différents critères de diagnostic utilisés. 

Epidémiologie

Gravité :

  • une augmentation de la durée de séjour
  • Prolongation de la durée de ventilation
  • Augmentation des coûts
  • une surmortalité  ?? (facteurs confondants) (Taux de mortalité élevée : 24 à 50%)

Première cause de prescription des antibiotiques en réanimation

Infections fréquentes et graves

  • Difficultés à respecter les mesures d’hygiène liée à la surcharge chronique de travail (Transmission croisée +++).
  • Un ration infirmiers/ malades  insuffisant.
  • Particularité du patient de réanimation ( âgé, immunodéprimé, et souvent agressé par la maladie initiale).
  • Rôle des procédures invasives (Ventilation mécanique, sondage vésical et cathétérisme vasculaire).
  • Résistances aux antibiotiques des germes impliqués à l’origine d’une surconsommation d’antibiotique (pression de sélection antibiotique).
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Modes de transmission

deux voies de contamination sont possibles:

  1. la voie exogène :

Par des bactéries extérieures, provenant d’autres malades ou de l’environnement (transmission croisée)

La majorité de ces infections sont évitables

  1. la voie endogène : 

Par la flore dont est porteur le patient lui-même, à la faveur d’une rupture des barrières de défense (rôle des procédures invasives +++)

Modes de transmission

Mécanisme de la transmission exogène

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Les réservoirs :

  • Les malades +++ :
  • infectés
  • colonisés
  • L’environnement : rare
  • L’eau : pyocyanique, légionelle
  • L’air : aspergillus
  • Les surfaces  
  • Le personnel et les visiteurs : pour certaines infections
  • Grippe
  • Infections saisonnières

Les vecteurs de transmission :

  • Transmission indirecte : intermédiaire entre 2 patients
    • Les mains +++ :
  • surtout des soignants
  • surtout lors des soins
  • Le matériel, surtout si :
  • Contact étroit avec le patient (endoscope)
  • Réutilisable 
  • Difficilement nettoyable
  • Les produits biologiques
  • Transmission directe :
  • de patient à patient, 
  • de patient à soignant, 
  • de soignant à patient

Un hôte réceptif = un malade  avec ses facteurs de risque

Principaux micro-organismes isolés d’infections nosocomiales

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La prédominance des BGN comme agents d’infections nosocomiales en réanimation a été rapportée dans de nombreuses études émanant des pays en voie de développement . 

Alors que dans les pays développés, les Cocci à Gram positif sont plus souvent incriminées lors des infections nosocomiales en réanimation (EPIC).

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Elaboration et validation d’un protocole d’antibiothérapie probabiliste dans les infections nosocomiales en réanimation: thèse Hamidi R,M Novembre 2013

Principales infections nosocomiales en réanimation :

Infections Pulmonaires
Infections Urinaires
Infections sur Cathéters 
Bactériémies

Pneumopathies nosocomiales (PN)

  • infections pulmonaires acquises après au moins 48 heures de ventilation mécanique.
  • première cause d’infections nosocomiales du patient de réanimation,
  • 8 à 28 % des patients ventilés en réanimation développent une PAVM

Physiopathologie 

L’infection pulmonaire peut résulter de plusieurs mécanismes :

  • Infection broncho-pulmonaire après colonisation de l’arbre trachéobronchique à partir de :
  • Micro inhalations des germes de la flore oropharyngée modifiée par l’effet des antibiotiques et des anti-acides notamment (germes digestifs et germes de l’environnement), et favorisées par  le sondage gastrique et la mauvaise vidange gastrique (morphiniques, iléus).
  • Contamination manuportée lors des aspirations
  • Contamination du matériel de ventilation
  • Infection broncho-pulmonaire directe par : Inhalation directe ou matériel de ventilation contaminé
  • Infection broncho-pulmonaire par : Voie hématogène ou par infection de voisinage 

Diagnostic des PAVM

modification de la radiographie thoracique associée À deux des 3 signes suivants:

  •   Hyperthermie supérieure à 38,3°C ou une hypothermie < 36,5°C
  •   Hyperleucocytose supérieure à 10000/mm3 ou une leucopénie < 4000/mm3. 
  •   Sécrétions trachéales purulentes

Identification microbiologique: difficile

  • LBA avec cellules contenant des micro-organismes > 5 % à l’examen microscopique direct après centrifugation appropriée, ou > 104 germes/ml, 
  • prélèvement par brosse télescopique protégée 
  • prélèvement trachéal distal par cathéter protégé avec plus de 103 germes/ml (en l’absence d’antibiothérapie récemment instaurée), 
  • ponction d’un abcès pulmonaire ou de plèvre, 
  • Le diagnostic des PAVM est souvent difficile 
  • Les signes cliniques et radiologiques ne sont ni sensibles ni spécifiques
  • La colonisation de l’arbre trachéo-bronchique chez les malades ventilés est quasi constante;
  • Les examens bactériologiques ne reflètent qu’ imparfaitement l’état du poumon profond.

Facteurs de risque

Plusieurs facteurs, augmentent le risque de développer une PN mais la ventilation mécanique semble être le facteur essentiel. 

  • Terrain : 
  • Âge, état général, tabac
  • Pathologie broncho-pulmonaire (dilatation des bronches, traumatisme thoracique avec contusion pulmonaire,…)
  • Fausses routes, troubles de conscience, opérés récents
  • Ventilation artificielle
  • Le risque augmente avec la durée de ventilation 
  • Prise en charge :
  • Nutrition entérale, 
  • Décubitus

Germes
Différent par rapport au délai de survenue de la ventilation

PNAVM précocePNAVM tardive
Durée ventilation < 5 jours Pas d’antibiothérapie, Pas d’hospitalisation récente,Pas de FDR de BMRGermes habituellement  sensibles : C3G seule sans activité sur le Pyocyanique
(Céfotaxime ou Ceftriaxone) + Gentamycine si choc septique
Durée ventilation ≥ 5 jours Antibiothérapie préalable, Hospitalisation récenteFacteurs de risque de BMRGermes potentiellement résistants : β-lactamines à large spectre avec activité sur le Pyocyanique (Imipénème, Ceftazidime)  + Amikacine ou Ciprofloxacine 
Durée : 8 jours, voire 14 jours si P. aeruginosa,  Acinetobacter, EBLSE/EBCase ou immunodépression. 

Prévention des pneumopathies

  • Aspects généraux : 
  • mobiliser, éviter le décubitus, 
  • ne pas sédater, 
  • ne pas faire manger sans précautions un malade qui fait des fausses routes, pas de nutrition orale ou entérale en décubitus
  • Opérés : 
  • faciliter la toux (antalgiques, kiné, …)
  • Arrêter le tabac en préopératoire
  • Ventilation : 
  • raccourcir la durée de ventilation
  • hygiène des manipulations (aspirations, etc..)
  • entretien du matériel (respirateurs, etc.…)
  • mesures spécialisées …( gonfler le ballonnet de la sonde d’intubation…)

L’infection urinaire nosocomiale

  • Deuxième cause d’infection nosocomiale en réanimation (Incidence 8 à 16%)
  • Souvent asymptomatique
  • survient presque exclusivement chez les malades sondés
  • Elle expose rarement le patient à des complications infectieuses locales et/ou générales graves.
  • Les germes présents dans le tractus urinaire et les résistances élevées en font un problème sérieux pour l’écologie microbienne 
  • Germes : 60% des entérobactéries de la flore digestive (E coli ) P aeruginosa (16%) et entérocoque (12%)

Facteurs de risque

terrain : âge, sexe F, diabète, sténose voies urinaires

sondage vésical (durée du sondage), déconnections sonde-sac collecteur, gestes invasifs sur les voies urinaires

Diagnostic des infections urinaires

– Bactériurie asymptomatique :

Patient sondé:   1  culture positive > 105 germes/ml.

En l’absence de sondage: 2  cultures consécutives positives >105 germes/ml.

– Bactériurie symptomatique :

Fièvre > 38°C et/ou signes urinaires et une culture positive > 105 germes/ml, ou une culture positive >103 germes associée à une leucocyturie > 104/ml.

Mécanismes d’infection urinaire

  • Chez le malade non sondé: Par Progression des bactéries du périnée vers la vessie
  • Favorisée par soit 
  • Par des lésions ou atonie de l’urètre : 
  • Âge,
  • Grossesse
  • Par une diurèse insuffisante
  •  Chez le patient sondé Par Progression des bactéries vers la vessie :
  • par l’extérieur de la sonde: à partir du périnée
  • par l’intérieur de la sonde : contamination  manuportée si déconnection sonde-sac ;erreur de manipulation lors de la vidange et reflux d’urines contaminées si sac non déclive.

Prévention de l’infection urinaire nosocomiale

  • Bien Hydrater : vidange vésicale 🡪 limite la prolifération bactérienne
  • Discuter à chaque fois le recours au sondage
  • Raccourcir la durée du sondage : à réévaluer en visite et contre-visite
  • Sonder en système clos (et maintenir clos le système pendant la durée du sondage)
  • Asepsie lors de la pose de sonde (geste stérile) et lors des manipulations
  • Sac vidé régulièrement et en position déclive

Les infections sur cathéter 

– restent une cause importante d’infection nosocomiale dans les services de réanimation. (3ème cause en Réa)

– Définie par la présence de micro-organismes à la surface interne et/ ou externe d’un cathéter vasculaire à l’origine d’une infection locale et /ou générale.

– peuvent s’associer ou non à une hémoculture positive (bactériémie).

– Les bactériémies font toute la gravité de ces infections (mortalité de 20 à 40%)

Facteurs de risque

  • Facteurs de risque liés au malade
  • Age < 1 an ou > 60 ans
  • Dénutrition
  • Lésions cutanées sévères (brûlures, psoriasis…)
  • Foyer infectieux à distance (trachéotomie, abcès de parois…)
  • Chimiothérapie immunosuppressive
  • Modification de la flore cutanée résidente (antibiotiques)
  • Facteurs de risque liés à la ligne veineuse
  • Localisation fémorale et jugulaire interne > sous Clavière
  • Dénudation > abord percutanée
  • Durée de cathétérisme
  • Nombre de manipulations
  • Facteurs de risque liés à l’hôpital
  • Habilité de l’opérateur
  • Cathétérisme urgent > programmé

Mécanismes de contamination : 2 types de contamination :

  1. contamination endoluminale : 
  • manipulations/déconnections de la ligne
  • greffe à partir d’un foyer infectieux à distance (rare)
  • liquide de perfusion contaminé (très rare)
  1. contamination exoluminale à partir de la peau du malade ou des mains de l’opérateur :
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Diagnostic positif : En l’absence de bactériémie, le diagnostic d’ILC repose sur :

  •  Pour une ILC locale :

• culture de CVC supérieure ou égale à 103 UFC/ml ;

• et la purulence de l’orifice d’entrée du cathéter ou une tunnelite.

  • Pour une ILC générale :

• culture de CVC supérieure ou égale à 103 UFC/ml ;

• et une régression totale ou partielle des signes infectieux généraux dans les 48 heures suivant l’ablation du cathéter.

Microorganismes : L’écologie microbienne est variable en fonction:

  • du site d’insertion du cathéter
  • l’écologie de l’unité 

    Les staphylocoques coagulase négatif, les staphylocoques dorés, les bactéries à Gram négatif et notamment les Pseudomonas et les levures sont habituellement les germes le plus souvent impliqués.

Bactériémies nosocomiales :

  • Infections graves, dont le taux de mortalité est élevé (Mortalité à 21 à 69%).
  • Une bactériémie est définie comme la présence d’au moins une hémoculture positive (justifiée par des signes cliniques), sauf pour certains microorganismes : 
  • Staphylocoques à coagulase négative
  • Bacillus spp
  • Corynebacterium spp
  • Propionibacterium spp.
  • Micrococcus spp.

 pour lesquels 2 hémocultures positives prélevées lors de ponctions différentes, à des moments différents, sont exigées

Deux catégories de bactériémies nosocomiales sont différenciées :

  1. Les bactériémies primaires: survenant en l’absence de source d’infection au niveau d’un autre site anatomique.

– regroupent également les infections compliquant l’insertion d’un cathéter intravasculaire 

  1. Les bactériémies secondaires: compliquant les infections documentées au niveau d’un autre site anatomique (pneumonie, infection urinaire, infection de plaie, …).

– Le même germe est identifié soit simultanément, soit séquentiellement au niveau du sang et du site anatomique en question.

Prévention des infections nosocomiales 

Actions sur les reservoirsActions sur la transmission
Désinfection des locaux Désinfection et stérilisation Du matérielStérilité des liquides perfusésQualité de la nourriture, de l’eau, de l’air, …Cloisonnement des lits, isolement (10 à 20 % des lits), …Asepsie des actesLavage des mains avant et après les soinsIndividualisation du matériel par patientIsolement des sujets à risqueRenouvellement et filtrage de l’air, …

ProphylaxiesSurveillance épidémiologique
Antibioprophylaxie de courte durée (24h) en chirurgie Immunoprophylaxie contre l’hépatite, la grippeCollecte régulière des donnéesCoopération entre les servicesQualification et motivation du personnel
Le bon usage des antibiotiques

Conclusion

  • L’infection nosocomiale en réanimation est tellement grave, qu’elle occupe parfois le devant de la scène avant même la cause de l’admission en réanimation. Elle est tellement inquiétante, que sa médiatisation sort souvent du cadre purement scientifique
  • Sa mortalité propre est élevée. La charge de travail et le coût supplémentaire sont parfois insupportables.
  • La réanimation, sanctuaire des gestes et traitements invasifs, jadis fierté des réanimateurs, tend aujourd’hui à minimiser au maximum le recours à ces techniques, à réduire la durée d’exposition et à les entourer de précautions draconiennes.
  • La prévention fait appel à une rigueur et une organisation drastiques. Elle tend à contenir l’incidence de l’I.N. dans des limites acceptables

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