Purpura thrombopénique chez une femme de 34 ans

Madame G., 34 ans, est adressée aux urgences le 01 Août 2003 par son médecin traitant pour la prise en charge d’un purpura révélant une thrombopénie à 35 000/mm 3 .

Dans ses antécédents, on note une allergie à la pénicilline (urticaire), une hypercholestérolémie, un syndrome dépressif évoluant depuis plusieurs années, actuellement traité par l’association Divarius® 20 mg-Xanax® depuis Juillet 03. L’existence d’une dysménorrhée apparue il y a 2 ans a conduit à la réalisation d’un bilan hormonal et échographique en mai dernier et à la prescription d’un traitement par Duphaston® 10mg.
La patiente est célibataire sans enfant, sans emploi depuis 6 mois (secrétaire trilingue), ne présente aucune intoxication alcoolo-tabagique. En Avril 2003, Mme G. a voyagé en Grèce sans aucun problème particulier.

L’histoire de la maladie fait état d’une asthénie croissante depuis 1 mois et de l’apparition de lésions cutanéo-muqueuses depuis 15 jours. Vers la mi-Juillet, la patiente déclare avoir présenté un épisode de flou visuel de quelques minutes totalement résolutif. Les données de l’examen clinique sont : T° 37°2C, TA 12/8, FC 91/min, la patiente est eupnéique, parfaitement vigile (score de Glasgow 15/15) ; on note une pâleur conjonctivale, des plages d’ecchymoses cutanées de la taille d’un médaillon, disséminées au niveau des membres supérieurs et inférieurs, de l’abdomen, du thorax ainsi qu’au niveau du palais. Il n’y a pas de syndrome hémorragique extériorisé.
L’examen cardiopulmonaire est sans particularité,
l’abdomen est souple, indolore sans hépatosplénomégalie palpable, les aires ganglionnaires sont libres, la thyroïde est non palpable. L’examen neurologique est normal.

Questions

Question 1/4 : A ce stade, citez les éléments de gravité du tableau clinique et les risques potentiels liés à ce tableau ?

Le bilan initial montre : globules blancs 7490/μl sans anomalie de la formule sanguine, globules rouges 2.48 103/μl, hémoglobine 7.9g/dl, VGM 90 μ3, réticulocytes 7.5%, plaquettes 18000/mm3, créatininémie 153 μmol/l, ASAT-ALAT-phosphatases alcalines- GammaGT : normal, bilirubine totale 50μmol/l, bilirubine conjuguée 5 μmol/l, LDH 1445 UI/l. La recherche de schizocytes est positive à 2%. Le test de Coombs érythrocytaire est négatif, l’haptoglobine est inférieure à 0.1 g/l. La CRP est à 8 mg/l, TP-TCA normaux, fibrinogène 3.37g/l, folates-vitamine B12 dans les limites des valeurs normales, ferritinémie 921μmol/l, sérologies VIH, hépatite B et C négatives, les ßHCG sont négatives. Le fond d’oeil est normal. Le bilan immunologique récupéré à J5 apporte les renseignements suivants : présence d’anticorps anti-nucléaire à 1/1280ème avec anticorps anti-SSA et anti- SSB, les anticorps anti-DNA sont négatifs, le dosage du complément C4 est à 0.21g/l, il n’y a pas de facteur rhumatoïde.

Question 2/4 : Quels éléments de synthèse, à ce stade, vous permettent de préciser le type de purpura thrombopénique? Formulez clairement le diagnostic final.

A J2 de son hospitalisation, la patiente s’aggrave et présente un coma en rapport avec un état de mal épileptique. Le scanner cérébral non injecté est normal. Le taux de plaquettes est à 11 000/mm3, l’hémoglobine à 4.6 g /dl.

Question 3/4 : Quelle attitude à visée diagnostique et thérapeutique adoptez-vous en urgence ?

Question 4/4 : Énumérez les traitements spécifiques proposés actuellement dans la prise en charge du PTT? Citez les éléments biologiques de surveillance de la maladie ?

Reponses

Question 1/4 : A ce stade, citez les éléments de gravité du tableau clinique et les risques potentiels liés à ce tableau ?

Le tableau est celui d’un purpura thrombopénique associé à une anémie (pâleur), sans évidence de contexte infectieux, toxique ou de maladie sous-jacente patente.
Les éléments cliniques de gravité sont la dissémination des ecchymoses, la présence d’une atteinte des muqueuses (palais), l’épisode antérieur de flou visuel. Le risque hémorragique est théoriquement lié à la profondeur de la thrombopénie et devient significatif pour un taux inférieur à 50 000/mm3. Le risque vital d’hémorragie intra-cérébrale peut être apprécié par la réalisation du fond d’oeil mais sa faible valeur prédictive négative ne dispense pas d’une imagerie cérébrale dès lors qu’il existe des manifestations neurologiques. Le risque thrombotique est surtout lié à la cause de la thombopénie.

Le bilan initial montre : globules blancs 7490/μl sans anomalie de la formule sanguine, globules rouges 2.48 103/μl, hémoglobine 7.9g/dl, VGM 90 μ3, réticulocytes 7.5%, plaquettes 18000/mm3, créatininémie 153 μmol/l, ASAT-ALAT-phosphatases alcalines- GammaGT : normal, bilirubine totale 50μmol/l, bilirubine conjuguée 5 μmol/l, LDH 1445 UI/l. La recherche de schizocytes est positive à 2%. Le test de Coombs érythrocytaire est négatif, l’haptoglobine est inférieure à 0.1 g/l. La CRP est à 8 mg/l, TP-TCA normaux, fibrinogène 3.37g/l, folates-vitamine B12 dans les limites des valeurs normales, ferritinémie 921μmol/l, sérologies VIH, hépatite B et C négatives, les ßHCG sont négatives. Le fond d’oeil est normal. Le bilan immunologique récupéré à J5 apporte les renseignements suivants : présence d’anticorps anti-nucléaire à 1/1280ème avec anticorps anti-SSA et anti- SSB, les anticorps anti-DNA sont négatifs, le dosage du complément C4 est à 0.21g/l, il n’y a pas de facteur rhumatoïde.

Question 2/4 : Quels éléments de synthèse, à ce stade, vous permettent de préciser le type de purpura thrombopénique? Formulez clairement le diagnostic final.

La patiente présente en association au purpura thrombopénique, une anémie normocytaire régénérative dont l’origine est une hémolyse mécanique (schizocytose, hyperbilirubinémie libre, augmentation des LDH, baisse de l’haptoglobine) et non immunologique (test de Coombs négatif). Il n’existe pas de stigmates de CIVD, ni de carence vitaminique. Le bilan immunologique révèle un lupus érythémateux systémique malgré l’absence de signes cliniques préalables (cutanés, articulaires ou thromboemboliques). Le myélogramme (qui peut être différé) a confirmé l’origine périphérique de la thrombopénie.
L’association d’une anémie hémolytique à test de Coombs négatif et d’une thrombopénie d’allure périphérique révélatrice d’un lupus, évoque une Micro-Angiopathie Thrombotique (MAT) associée au lupus. La MAT repose sur une description purement histologique dont l’expression clinique repose sur 2 tableaux : le Purpura Thrombotique Thrombopénique (PTT) avec atteinte neurologique prépondérante d’une part et le Syndrome Hémolytique et Urémique (SHU) avec prédominance de l’atteinte rénale, d’autre part. Le substratum physiopathologique repose sur la formation de thromboses au niveau de la microcirculation, secondaires à la formation de polymères de haut poids moléculaire de facteurs von Willebrand, responsables d’une aggrégation plaquettaire massive. Dans les formes familiales et acquises de PTT, la métalloprotéase « ADAMTS13 » , enzyme responsable du clivage de ces polymères anormaux, a été retrouvée comme fonctionnellement déficiente. La standardisation de son dosage ainsi que la possible substitution dans sa forme purifiée font l’objet de travaux en cours.

L’absence de contexte infectieux grave (sepsis sévère) et/ou d’une CIVD, de prise de toxiques (ex Quinine, Héparine..responsable de thrombopénie d’origine immune), de transfusion récente (thrombopénie post-transfusionnelle) conforte ce diagnostic.

A J2 de son hospitalisation, la patiente s’aggrave et présente un coma en rapport avec un état de mal épileptique. Le scanner cérébral non injecté est normal. Le taux de plaquettes est à 11 000/mm3, l’hémoglobine à 4.6 g /dl.

Question 3/4 : Quelle attitude à visée diagnostique et thérapeutique adoptez-vous en urgence ?

Sur le plan nosologique, l’apparition de signes neurologiques oriente plutôt vers un PTT. Le scanner cérébral doit être réalisé, de principe, devant l’aggravation neurologique et la baisse du taux de plaquettes et de l’hémoglobine.
L’urgence immédiate est de procéder à une intubation avec ventilation assistée et à traiter l’état de mal épileptique (EME). Le traitement de l’EME repose sur une benzodiazépine (clonazépam, midazolam) en 1ère intention d’action rapide et l’instauration simultanée d’un traitement de fond d’action prolongée avec nécessité d’une dose de charge : le phénobarbital – Gardénal® dont l’effet sur les centres respiratoires est à évaluer chez un patient en ventilation spontanée ou la fosphénytoïne – Prodilantin® en l’absence de troubles de la conduction. La place de molécules telles que la dépakine ou le propofol dans la prise en charge initiale de l’EME n’est pas encore démontrée.
La transfusion de culots globulaires peut être envisagée dans l’attente de la mise en route du traitement spécifique de la MAT mais sa rentabilité est faible et de courte durée dans ce contexte d’hémolyse. Le risque thrombotique est plus important que le risque hémorragique en cas de MAT. La transfusion d’unités plaquettaires dans ce contexte a été responsable d’aggravation neurologique, dont le mécanisme reste peu clair (exacerbation des phénomènes thrombotiques ?). Celle-ci reste réservée en cas d’hémorragie majeure ou intracérébrale.

Question 4/4 : Énumérez les traitements spécifiques proposés actuellement dans la prise en charge du PTT? Citez les éléments biologiques de surveillance de la maladie ?

La MAT est une urgence vitale nécessitant la mise en route d’un traitement sans délai. L’administration intraveineuse de corticostéroïdes, d’antiaggrégants plaquettaires et la splénectomie ont représentés les traitements de la MAT jusque dans les années 70. Le traitement de référence actuel repose sur les échanges plasmatiques et ce, après une controverse non finalisée portant sur infusion de plasma seule versus échange de plasma. Les modalités de ces échanges (volume administré entre 40 et 80 ml/kg /j), la durée et le nombre de séances en traitement d’attaque puis d’entretien, restent mal codifiées et empiriques. La rémission de la maladie s’apprécie sur l’amélioration des stigmates biologiques : normalisation des taux de plaquettes, d’hémoglobine, d’haptoglobine et des LDH. Les risques de cette thérapeutique sont l’OAP de surcharge et ceux inhérents au cathétérisme central.

Un commentaire

  1. Merci beaucoup pour le cas clinique. Il est très intéressant.
    J’ai juste une remarque sur le faite de parler d’un lupus devant le taux certes très significatif des AAN mais avec des Ac-anti DNA, anti SSB/SSA négatifs

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